Andrea Cola - Monolite Racing ©Angelique Belokopytov
Le coin des découvertes

Corps et âmes entre quatre roues

« Il y a la voiture. Je me glisse dedans, comme si je mettais un manteau. Je m’habille quasiment de la voiture », disait un certain Ayrton Senna. En piste, le pilote et son bolide ne font plus qu’un. Andrea Cola, pilote Monolite Racing en championnat de F2 italienne, possède un lien unique avec sa voiture. Rencontre avec un couple singulier, à l’occasion de la troisième étape de la saison à Spa-Francorchamps.

Qui se ressemble, s’assemble

Un coup de foudre. Ce sont certainement les meilleurs mots pour qualifier le lien que noue Andrea à sa voiture. « Ça serait trop simple de dire que j’aime ma voiture. C’est un vrai feeling. La première fois que je l’ai vue, j’ai directement accroché : j’ai aimé ses courbes, sa couleur, je l’ai appréciée dans son entièreté, dès le premier regard. Quand je suis dedans, c’est un autre monde : je ne pense plus à rien, je ne pense plus à mes soucis, j’oublie même les douleurs physiques que je pourrais avoir. ».

Andrea Cola - Monolite Racing ©Angelique Belokopytov
Andrea Cola – Monolite Racing ©Angelique Belokopytov

La voiture devient le prolongement du corps du pilote. En piste, les yeux verts d’Andrea se reflètent dans les rétroviseurs verdoyants, les stickers qui décorent le châssis sont à l’image de ses tatouages, le numéro 99 luit au soleil sur l’aileron et le casque. La voiture, âme sœur ou sœur jumelle, ce qui est certain, c’est que leur ressemblance fait leur force. « En mémoire de ma victoire au Red Bull Ring, je souhaite faire un tatouage, explique Andrea, il représenterait le tracé du circuit avec la date, que je ferai dessiner ici, au niveau du cœur. Je veux également faire un sticker, comme le tatouage, que je mettrai sur la voiture du côté du moteur. Mon moteur, c’est mon cœur et il sera lié à son moteur, qui est son cœur à elle. » 

« Tout ce que le team fait à ma voiture, c’est comme s’il le faisait sur moi. »

 

Cette fusion entre le pilote et sa voiture trouve ses racines jusque dans le nom donné à son bolide. Cela va au-delà d’un simple prénom, ce dernier représente une réelle énergie, il s’agit d’un nominatif qui illustre le caractère de sa voiture, voire même ce lien que les deux entretiennent. Andrea a choisi le sien sur une référence bien particulière. « J’ai l’ai appelée Toruk Makto, cela vient du film Avatar. La relation que le personnage crée avec l’oiseau, le Toruk, est tellement puissante, j’ai exactement la même avec ma voiture. » 

Andrea Cola - Monolite Racing ©Angelique Belokopytov
Andrea Cola – Monolite Racing ©Angelique Belokopytov

D’amour et de haine

Tel l’Avatar qui dresse son Toruk, le pilote apprivoise sa monoplace, et ce n’est pas chose aisée. Chacun possède son caractère et même si leurs qualités et leurs défauts sont similaires, il faut réussir à les accorder. « Dans la vie, je suis quelqu’un de très positif, souriant. Mon plus grand défaut je pense, c’est que je peux être sensible, à ce qu’on me dit, par exemple. » Une sensibilité que Toruk partage, que ce soit face au style de pilotage ou face aux différents sets up qu’elle peut subir.

Pourtant, cette affectabilité est à mettre de côté dès qu’Andrea se glisse dans son baquet. Le

Andrea Cola - Monolite Racing ©Nicolas Donneaux
Andrea Cola – Monolite Racing ©Nicolas Donneaux

caractère capricieux de sa voiture peut s’avérer sans pitié. « Parfois elle ne me donne pas le feeling que je recherche. Ici, à Spa, elle est capricieuse. J’ai du mal à la comprendre. Alors qu’au Red bull Ring [précédente étape], j’ai directement eu ce feeling. Quand je n’arrive pas à m’accorder avec elle, j’ai du mal. Par exemple, quand le team manager me dit de ne pas aborder un tel virage en 3e mais en 4e, je n’y arrive pas parce qu’elle me bloque. Dans ce cas, je n’arrive pas à la pousser. C’est son gros défaut, elle ne fait pas toujours tout ce que je veux. »

 

« Demain, on aura une bonne course, c’est Toruk qui me l’a dit »

 

Cette relation volcanique oblige parfois à jouer quitte ou double. Vendredi, à Spa-Francorchamps, les essais ont été difficiles. Après un travail sur la voiture, les performances en course ont été stupéfiantes. Toruk et Andrea volaient littéralement sur la piste. Samedi, à la sortie de plusieurs cérémonies sur le podium, le numéro 99 a pu offrir trois trophées à Toruk. Dimanche, la conclusion du week-end a été différente. Pour leur première course sous la pluie, le duo a été fantastique : une magnifique remontée depuis la 12e place sur une piste savonneuse, menée durant 29 minutes de course. Mais il arrive que la communion se perde un instant et la 30e minute a été celle de trop :  un coup d’œil dans le rétroviseur, une demi-seconde durant laquelle le couple a été aveugle, juste assez pour ne pas voir le coup de frein soudain du concurrent le devançant. La chicane a scellé la course du jeune italien à 200 mètres du drapeau à damier.

Ne faire qu’un

Malgré les hauts et les bas, ils avancent ensemble et chacun sacrifie un peu de soi pour atteindre leurs objectifs. Le baquet, c’est une toute autre dimension. « Hors de la voiture, je ris, je blague avec mon père, je m’amuse dans le paddock. Par contre, lorsque je suis dedans, je n’ai qu’une chose en tête : être concentré sur la piste. Toutes mes pensées vont vers la course ou les qualifications. J’ai du mal à mélanger les deux réalités… Par exemple, lorsqu’on prend une photo de moi dans la voiture, c’est difficile pour moi de lever le pouce ou de faire des signes, je suis concentré à me lier à la voiture, à la sentir. »

Une trentaine de minutes avant de monter en piste, le visage d’Andrea se ferme, il s’enferme dans sa bulle, aux côté de son bolide. Lorsque le moteur se met à rugir, Andrea ne retient que la partie féline de son caractère. « Dans la voiture, je ne veux même pas que l’on me parle. Dans la vie, je suis très à l’écoute des gens. Mais une fois dans mon baquet, je ne parle qu’à Rudi [le team manager], ou à mes mécaniciens, je ne veux parler à personne d’autre. Même lorsque mon père me souhaite ‘bonne chance’, je ne lui réponds pas ‘merci’, je lui serre la main et puis c’est fini. C’est vraiment la grande différence entre la personne que je suis avec Toruk ou celle que je suis dans la vie en général. »

Comme dans tout couple digne de ce nom, il y a certains piliers qui maintiennent la relation solide telle une pédale d’accélérateur : la confiance et la communication. « Tout ne va toujours pas parfaitement. Je repense à Imola où on n’avait pas fait un très bon résultat. Mais cette étape m’en a appris beaucoup. Ce qui est important, c’est qu’avec la voiture, on se fait confiance. J’avais le feeling avec elle et pas avec la piste mais je lui faisais confiance. Avec mon esprit, je lui disais d’aller plus loin, plus vite, pour passer le groupe. Malgré le fait que j’ai calé au départ, elle poussait de plus en plus vite. Ça m’a même surpris tellement elle était performante. »

Andrea Cola - Monolite Racing ©Angelique Belokopytov
Andrea Cola – Monolite Racing ©Angelique Belokopytov

Cette relation qui lie le pilote à sa voiture et inversement est vitale, chacun donne une partie de soi en toute confiance pour atteindre ensemble le même objectif : franchir la ligne d’arrivée avec le meilleur résultat possible.

 

Angélique Belokopytov

 

Retrouvez plus de photos ici
Retrouvez les highlights d'Andrea à Spa : https://m.youtube.com/watch?v=uGjRrQOQX_M&feature=youtu.be 

Retrouvez les highlights des courses à Spa-Francorchamps : https://www.youtube.com/watch?v=VJlIfeMgJuc

Fondatrice et rédactrice en chef. Amoureuse de la course et du journalisme depuis des années, le ronronnement des moteurs m'a bercée depuis ma plus tendre enfance et rythme mon quotidien. F1nal Lap a pour but de rapprocher les amoureux de la F1 au plus près du Paddock au travers d'un contenu original et recherché. F1nal Lap, la F1 comme vous ne l'avez jamais vue !

4 commentaires

  • Massimo Cola

    Thanks Angélique!! In your amazing article you got the incredible link that my son Andrea has with his car, and with your wonderful pictures You brought me back to last weekend in Spa, so I can see what I had around me, because during the races I’m totally out, locked into my personal room of thoughts.
    Congratulation to Nicolas for his pictures: it’s one of the most emotional one I have ever seen.
    Ciao

  • Nicolas Donneaux

    Très joli article Angélique. Cela rend très bien l’ambiance qui règne dans les paddocks et la relation fusionnelle entre l’homme et sa machine.
    De plus, je suis très honoré qu’une de mes photos ait été utilisée car elle est parfaitement mise en valeur avec le superbe texte qui l’accompagne.
    BRAVO donc et MERCI.
    Nicolas

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