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1968 : les cylindres éclairs de Matra

[SERIE TBT] L’histoire de Matra dans les couples des moteurs fut très brève mais tellement dense qu’elle a laissé des traces de gomme permanentes dans les virages de l’histoire du sport automobile. En plus de signer les plus beaux succès, elle a vu passer les plus grands noms derrière ses volants.

Dix années. Voilà la place qu’occupe Matra sur la longue ligne du temps de la Formule 1. Une présence qui a pourtant été fulgurante, Matra fut l’une des seules à réussir à imposer le drapeau français sur les divers tracés, ne se contentant pas uniquement de la Formule 1.

Des ailes d’avion aux ailerons de monoplace

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À son origine, la société Matra ne possède aucun rapport avec l’automobile. MATRA, c’est l’acronyme de Mécanique Aviation Traction, une entreprise à visée militaire fondée en 1937. Au fil des années, elle se développe dans l’aviation militaire mais Marcel Chassigny considère que cela ne suffit pas. Selon le directeur de Matra, la société a besoin d’une branche plus « civile ». Il choisit alors de se tourner vers l’automobile. Dans cette visée, ils engagent en 1963 un certain Jean-Luc Lagardère. Un an plus tard, au Salon Mondial de l’automobile de Paris, Matra présente sa production, la Djet. Le succès est plus que moyen et les dirigeants comprennent rapidement que pour l’atteindre, il faut passer par le sport automobile.

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Jean Luc Lagardère (à gauche de l’image)

Jean-Luc Lagardère pose un objectif très ambitieux : atteindre les plus grands championnats automobiles de tous les temps. Le PDG n’ambitionne pas uniquement la F1, mais également le Championnat du monde des Sport-Prototypes et les 24 Heures du Mans. L’absence de constructeurs dans les années 60 et l’absence de pilotes de haut-niveau font naitre les premières réticences face à ces objectifs. Pourtant, Jean-Luc Lagardère reste clairvoyant et opère par la méthode du step by step en engageant la première Matra en course le 29 mai 1965 au GP de Monaco F3. Deux ans après avoir rejoint l’aventure Matra, Lagardère assiste à la première victoire de l’écurie le 1er juillet 1965. Jean-Pierre Beltoise fait jouer La Marseillaise sur le podium de Reims, devançant le God Save The Queen qui faisait loi.

Le succès soudain aidant, l’affaire grandit et Matra chausse les pneus de la F2 dès 1966. L’objectif reste la F1, mais la méthode du step by step impose de faire ses preuves en F2. Matra forme deux équipes dans ce but. Une est soutenue par le gouvernement De Gaulle qui se réjouit qu’un tel projet puisse faire connaitre l’industrie française au monde entier. L’autre signe un partenariat important avec Elf. La première, Matra Sports, est française, alignant Jean-Pierre Beltoise et Johnny Servoz-Gavin. Le bleu-blanc-rouge est nourri au V12. La deuxième est britannique, Matra-Elf International, dirigée par Ken Tyrrell, réunissant Jackie Stewart et Jacky Ickx. L’Union Jack, quant à lui, est nourri au V8 Ford Cosworth. Les moteurs sont lancés.

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Quelques mois plus tard, le même Beltoise impose son talent bleu-blanc-rouge sur la piste germanophone en F2. En 1967, la partie britannique se lance timidement en F1 sur deux courses avant d’installer définitivement ses motor-homes dans le Paddock en 1968.

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Stewart, GP de Belgique 1968

1968. Grande première à Zandvoort Matra signe son premier succès et doublé d’une voiture française. La Matra-Ford pilotée par Jackie Stewart s’impose devant la Matra V12 de Jean-Pierre Beltoise.
Dès sa première année complète en F1 en 1968, Matra International inscrit 45 points et se classe 3e du championnat avec un certain Jackie Stewart sacré vice-champion derrière Graham Hill au volant de sa Lotus. Beltoise occupe la 9e place et Johny Servoz-Gavin la 14e.

1969. La saison suivante, Matra International monte sur la première marche du podium Image associéeen fin de saison avec un Stewart magistral qui a pris sa revanche sur le duo Graham-Lotus. L’écurie s’accorde un doublé puisque Johnny Servoz-Gavin s’attribue le championnat de F2. Après ces succès, Matra réuni les quatre pilotes des deux écuries sur leur piste d’essai dans le but de comparer les moteurs. Johnny Servoz-Garvin, Henri Pescarolo Jackie Stewart et Jean Pierre Beltoise se relaient dans les deux monoplaces. Les performances sont similaires, même si le V8 Ford-Cosworth monte plus dans les tours. Le verdict tombe : Jackie Stewart fait pencher la balance en faveur de ce dernier.

Résultat de recherche d'images pour 1970. L’écurie est rachetée par Simca qui décide d’abandonner les moteurs Ford Coswoth pour s’équiper des légendaires moteurs V12 dont la musique fait rugir les nostalgiques d’aujourd’hui. Un choix qui signe la rupture avec Stewart et Tyrrell qui n’en veulent pas et se tournent vers le nouveau constructeur : March. La division française est la seule à bénéficier des évolutions. Matra développe également son intérêt pour les sports-prototypes et le succès immédiat : la MS 650 à moteur V12 de Beltoise-Depailler-Todt s’offre le Tour de France Auomobile.

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1971. Matra mène plusieurs batailles au front. Même si le succès qu’elle connait en F1 lui fait quelque peu délaisser la F2. Elle engage Amon et envoye Pescarolo à la conquête des championnats de voitures de sport. La Matra 650 récidive au Tour de France, le duo Larrousse et Rives montent sur la première marche du podium. Vainqueurs en GT Spéciales et Sport-Prototype, il s’agit là d’une démonstration de slidité mécanique pour la marque.

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Jean Paul Beltoise

1972. La F1 conquise, Jean-Luc Lagardère veut atteindre pleinement ses objectifs. L’écurie abandonne totalement la F1 pour les voitures de sports. Les 24 Heures du Mans déroulent le tapis rouge à Matra jusqu’à la première place du podium.

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1973. Matra s’impose à cinq reprises, dont une victoire lors des 24 heures du Mans, grâce au duo Henri Pescarolo et Gérard Larrousse. À la fin de la saison, Matra remporte indiscutablement la couronne des constructeurs.

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1974. La saison 1974 est encore meilleure : neuf victoires au compteur. Larrousse-Perscarolo dressent les pistes d’une main de maitre et offrent une nouvelle victoire aux 24 Heures du Mans.

Tel un mathématicien, Lagardère annonce le retrait de Matra des championnats de voiture de sports puisque les objectifs ont été grassement atteints.

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Shadow-Matra 1975

1975. Matra allume à nouveau ses moteurs en F1, en tant que motoriste cette fois-ci. D’abord pour l’écurie Shadow en 1975, puis pour Ligier de 1976 à 1978, ensuite en 1981 et 1982. Une période durant laquelle Jacques Laffite remportera 3 victoires.

Le 26 février 2003, Matra automobile est touchée par des problèmes financiers. La marque ferme ses usines. Peu de temps après, le 14 mars, Jean-Luc Lagardère décède à l’âge de 75 ans.

Matra et Jacky Ickx : entre Brabançonne et Marseillaise

Comment ne pas parler de l’une de nos plus grandes fiertés belges de la Formule 1 : Jacky Ickx. Une histoire qui a commencé sur les bancs de l’école de Matra.

Au commencement, Jacky est un pilote deux roues et se lance dans le sport automobile passant tout juste le drapeau à damier de la majorité. Il dresse une petite BMW 700 en course de côte, puis se tourne vers le tourisme avec Ford. Le virage s’opère en 1964 sur le sinueux tracé de Budapest. Il y dispute le championnat d’Europe où il tombe sous l’œil attentif de Ken Tyrrell. Le manager anglais lui propose de courir sous sa bannière en F3 puis en F2 derrière les volants de Matra. Le jeune belge accepte la proposition au terme de son service militaire. Dès son arrivée dans le baquet, Ickx montre l’ampleur de son talent en se frottant directement aux dominants du championnat.

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1967: Jacky remporte le Championnat Européen de F2

A l’époque, la Formule 1 est loin d’être à son apogée et afin d’attirer les spectateurs et garnir le plateau, les organisateurs donnaient l’autorisation aux F2 de prendre le départ derrière les monoplaces F1. Le jeune talent progresse aux côtés de son équipier Jackie Stewart. En 1967, il marque les esprits. Le duo des « Jack » a rendez-vous pour des essais sur un de ses circuits fétiches du belge : le Nürburgring en 1967. Il y a déjà couru deux éditions du Marathon Résultat de recherche d'images pour de la Route. Les 22 km du Nordschleiffe n’ont donc plus de secrets pour lui. Le résultat est parlant, même les F1 ont du mal à rivaliser face à son talent. Il signe le 3e chrono sur sa Matra version F2 derrière la Lotus d’un certain Jim Clark et la Brabham de Denny Hulme. Lors de la course, même scénario. Malgré la suspension de la Matra qui lui fait faux bond, Jacky abordait les virages en 4e position au général. La démonstration était faite. La F1 ne pouvait que s’incliner.

La saison suivante, Ken Tyrrell prévoyait de signer avec Matra afin de lancer Matra International propulsée par les V8 Ford-Cosworth. Il y réservait une place pour son protégé belge. Mais le succès de Jacky a été encore plus fort puisque deux semaines après son exploit sur le tracé allemand, Franco Lini, directeur sportif de la Scuderia Ferrari, le contactait pour le signer sur une Cooper-Maserati.

C’est ainsi que Matra a lancé ce jeune belge qui prendra part à 114 Grand Prix, s’accordera 13 pole positions, montera 50 fois sur le podium et soulèvera 8 fois la coupe du vainqueur.

Angelique Belokopytov

Fondatrice et rédactrice en chef. Amoureuse de la course et du journalisme depuis des années, le ronronnement des moteurs m'a bercée depuis ma plus tendre enfance et rythme mon quotidien. F1nal Lap a pour but de rapprocher les amoureux de la F1 au plus près du Paddock au travers d'un contenu original et recherché. F1nal Lap, la F1 comme vous ne l'avez jamais vue !

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